Le secret nait. Sa bouche se fend. La naïveté de ses traits, la simplicité de son rang, meurent. Qui pourrait déceler le bouillonnement sous sa peau froide ? Ses doigts ont l'odeur des plantes, des concoctions qu'ils préparent. Des poisons. Confectionneur et bourreau, il est l'arme. La rétine de ses yeux imprime l'expression de ses victimes. Sitôt l'acte accomplit, la nausée soulève son cœur. Son corps, son âme disparaissent quelques jours. Le temps d'effacer sa figure pâle des mémoires, le temps de retomber dans l'oubli. Il se terre sous les toits d'un espace caché. Maudit son sort, ce destin qui le mêle à ces sordides histoires. Impossible de s'en dépêtre sans subir un châtiment aussi mortel que ses poisons. Dans son lit, sur son matelas de paille, il se tord. Le sommeil le fuit. De lourdes cernes violacées alourdissent son regard vitreux, embrumé d'avoir respirer d'étranges infusions. Il tousse. Le teint jaune et la chair suintante, il rabat le drap humide sur sa dépouille, abaisse ses paupières. On frappe. Brièvement mais, sèchement. Il se redresse comme il peut, arrange son pourpoint et sa coiffure avant d'ouvrir.
- Mon roi, formule t-il en se courbant légèrement.
Il n'ose le regarder en face, fixe le sol en attendant les raisons de cette visite.
- J'aurais quelque chose à te demander.
- Demandez et, j'exécuterai.
- Aurais-tu entendu cette horrible chanson qu'on fredonne à la cour ?
Le pamphlet grésille entre ses oreilles. Encore un témoignage versifié de la noble débauche.
- Oui.
- Assure-toi d'en trouver l'auteur et... fais ce que tu dois faire.
A ces mots, il tend sa main orné de grosses bagues. Sur l'une : l'emblème de la royauté. Un bras dans son dos,l'empoisonneur se penche et, baise la pierre froide et polie.
- Comme vous voudrez.